Tricoterie , Saint-Gilles

Evan Ziporyn & Benjamin Maneyrol

Benjamin Maneyrol et Evan Ziporyn invitent à l’infinité, sensible et expérimentale, des sons en aventure de la clarinette.

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Organiques, célestes ou terriennes, les sonorités infinies de la clarinette traversent une multitude de genres et de registres musicaux. Benjamin Maneyrol et Evan Ziporyn en proposent la variété des expériences sensorielles.

Le répertoire contemporain de Benjamin Maneyrol lui fait ainsi interpréter deux créations pour clarinette et électronique. La première de la compositrice et exploratrice des sons Sarah Wéry, la seconde du musicien et artiste sonore Eliott Delafosse.

Pour cette soirée, la création d’Eliott Delafosse prend comme point de départ, et dans une perspective critique, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de l’information, afin d’explorer la matière organique des sons et de nouvelles configurations musicales.

Benjamin Maneyrol interprète ensuite, en duo avec Evan Ziporyn une création de ce dernier.

Clarinettiste virtuose et expérimentateur magnifique, Evan Ziporyn clôture la soirée et nous conduit au fil de ses lectures sensibles de la musique minimale (Philip Glass et Terry Riley, dont une création est proposée) à des variations pop et rock (Jimi Hendrix). Celles-ci irrigant son dernier album expérimental et subtil Pop Channel.

ENTRETIEN AVEC SARAH WÉRY

Pourriez-vous nous présenter la création que vous proposerez dans le cadre de Ars Musica ?
Pour l’instant, la pièce s’intitule Face. Je construis la pièce comme un autoportrait “ sonore ” progressif du son de la clarinette basse. Je veux toucher la sensation, individuelle ou collective, d’oscillation brutale entre ce que l’on veut être et ce que l’on est. Je voudrais fonctionner par échos et déformations. Injecter le delay du son de la clarinette basse dans différents matériaux et superpositions de matériaux. J’aimerais faire une pièce crue et synthétique. Pour l’instant, je fais des essais avec des matériaux métalliques sur des peaux tendues. Je voudrais donner une impression de va-et-vient entre une source sonore et son double.

Comment s’inscrit cette création dans votre parcours et l’ensemble de votre œuvre ?
Dans la continuité. Je veux toujours aller vers le politique, sortir de l’intimité, mais je n’y arrive pas. Comme si ma place et mon périmètre étaient prédéfinis, et qu’ils se limitaient à mon corps.
C’est toujours à lui que je reviens pour échapper à des combinaisons sonores préexistantes. Où est-ce que, réellement, je ressens physiquement un son ou une succession de sons dans mon corps, et qu’est-ce qui se trouve d’autre à cet endroit ?

Comment percevez-vous, aujourd’hui, l’art et l’esthétique que proposent des créations pour clarinettes ? Ont-elles des spécificités ?
Je n’ai pas de vision globale de l’art et de l’esthétique des créations pour clarinette aujourd’hui. Comme je n’en ai pas vraiment de la création musicale aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il y a des sensations très spécifiques propres au moment que je vis et que j’ai l’impression de partager. Je ressens le besoin de les entendre exprimées par d’autres et de les exprimer musicalement, et ce dans n’importe quel contexte musical. Je comprends que certains outils musicaux sont devenus obsolètes pour exprimer certaines sensations précises. Et je vois qu’on n’arrive pas vraiment à en toucher le “ point ”. J’ai l’impression que la clarinette basse est très sollicitée en musique contemporaine, peut-être est-ce dû à son extrême malléabilité et à son spectre sonore riche et diversifié ? Le piège est que l’utilisation de certaines techniques empêche l’auditeur d’entrer frontalement dans la musique ou qu’il n’y ait plus d’intérêt pour l’auditeur parce qu’on est dans un endroit trop confortable, qui ne provoque rien. J’essaye de déplacer cet environnement connu en juxtaposant, temporellement et timbralement, à la clarinette des éléments hétérogènes.

N’y a-t-il pas, dans vos créations, une sensibilité pour les arts sonores tels que les arts plastiques l’entendent, c’est-à-dire entre image, sculpture, musique et son ?
Il y a quelque chose comme de la rage. Je sais que c’est ridicule. Je veux dire que la force qui me tient à la conception et l’écriture d’une pièce est celle de tenter d’exprimer une pensée, de toucher la sensation que provoque cette pensée très précise et floue, parce qu’elle échappe partiellement à la raison. Cette force, je la ressens comme de la rage. La musique n’étant pas une dissertation, j’ai déduit de mes observations que sa puissance politique, c’est-à-dire de mise en mouvement ou d’existence hors du cadre purement musical, réside dans la manière dont le son “ tombe ” (son ton, son style?) et dans son contexte. Afin de toucher mon “ point ” et d’échapper à l’élégance, j’ai commencé à écrire des titres de plus en plus explicites, puis à écrire des textes dans les pièces (mais le texte peut m’éloigner de la sensation lorsqu’il est dans ma musique, il prend beaucoup de place) et puis naturellement, j’ai glissé vers l’image, pour aller vers une conception où l’image et le son ont la même matière. Donc, ce n’est pas tellement que je veuille faire de l’art sonore ou quoi que ce soit, c’est que je veux dire quelque chose, et ce quelque chose est tellement dur à toucher que j’ouvre toutes les portes qui m’intéressent.

 

Avec le soutien de Sabam for culture.

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