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MICROMÉGAS
Les Brigittines - La Chapelle , Bruxelles

Micromégas

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MICROMÉGAS

Chef d'oeuvre intemporel de Voltaire ici comme opéra rêvé.

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Ce qui étonne dans l’œuvre de Voltaire, c’est l’intemporalité de sa pensée, la modernité de ses mots. Œuvre de science-fiction à part entière, Micromégas est un conte philosophique satirique et argumentatif qui dénonce les injustices, l’intolérance religieuse, la guerre, la folie et l’ignorance des hommes et surtout l’anthropocentrisme. Tous ces sujets abordés dans les merveilleuses lignes de de cet auteur universel, qui défend l'idée que les croyances des hommes n'ont rien d'absolues, et que nos sens nous empêchent d'être absolument objectifs et certains, affichent une extraordinaire contemporanéité.
Quatre compositeurs, un librettiste, un vidéaste, trois chanteuses et un ensemble se sont emparés de cette œuvre pour créer un opéra singulier, qui mêle avec dextérité philosophie, science-fiction, humour et dérision sous une forme de conte aux lectures plurielles.

 

Entretien avec Benoît Menut

Micromégas, conte philosophique de Voltaire publié en 1752, est une création inédite du festival Next Opera Days. Quatre compositeurs aux écritures fort différentes (Line Adam, Anne Martin, Benoît Menut et Alexander Vert), associés à des créations visuelles de Thomas Pénanguer et sur un livret d’Alexandre Castant, ont composé cette œuvre originale qu’interprèteront Jean-Paul Dessy et l’ensemble Musiques Nouvelles. Au fil des aventures du géant Micromégas venu de la planète Sirius, Voltaire propose, dans ce conte galactique du XVIIIe siècle, une vision sans appel de la condition humaine.

Comment ce projet – votre participation à un opéra qui adapte le conte de Voltaire, Micromégas – a-t-il vu le jour ?

- C’est une idée, plutôt baroque, de Bruno Letort, directeur du Festival Next Opera Days. Faire écrire chaque partie par quatre compositeurs différents (Line Adam, Anne Martin, Alexander Vert et moi-même), et très différents aussi dans leur esthétique musicale. Je pense que Bruno avait à l’esprit une certaine idée de la prise de risque et de l’inventivité pour cela. De plus, il y avait évidemment un livret à écrire, en l’occurrence par Alexandre Castant, et une création vidéo de Thomas Pénanguer à réaliser, car ce n’est pas un opéra avec des décors classiques… Enfin, les délais étaient assez serrés, ce qui est rare. C’est donc un projet plein d’urgence et de risques, et c’est très intéressant en cela. Chaque compositeur et chaque compositrice élabore sa partie, c’est une forme de contrainte, et, finalement, il n’y a pas d’art sans contraintes.

La première remarque, à laquelle invitent votre œuvre et cette adaptation, est évidemment votre goût pour la littérature. Car il s’exprime aussi bien dans votre parcours personnel que dans vos créations et vos collaborations ? Pourriez-vous nous présenter cet intérêt littéraire, qui est le vôtre, en tant que compositeur ?

- Cet intérêt existe sous deux angles. Un angle intime et un autre public. Du point de vue de l’intime, j’aime la mémoire des mots et des sons. Depuis l’enfance, les mots et la musique résonnent intimement en moi, si bien que j’ai fait mienne la conception du  compositeur et écrivain français du XIVe siècle Guillaume de Machaut : « Musique est poésie », ces deux arts sont très proches… Quand je parle de poésie, il s’agit de la musique des mots au sens large (les pages d’un roman, d’un essai de philosophie, ou d’une pièce de théâtre sont, en ce sens, de la musique). Tout un vocabulaire par ailleurs les associe et les relie : harmonie, construction, structure, résonance, rythme, forme… Ces deux arts ont des champs lexicaux très proches. De plus, si, du point de vue de l’intériorité, les mots chantent, il y a aussi le théâtre de la page dans lequel les mots se trouvent : la dramaturgie d’un poème peut être un moment de théâtre musical ! Sous un angle extérieur ensuite, je souhaite, pour ma part, transmettre, au mieux et au public, le lien d’intelligibilité que je perçois et que je ressens entre les mots et la musique. Donner à approcher la pluralité de sens du texte littéraire, y compris ses strates de sous-texte, est essentiel selon moi. En outre, j’ai réalisé de nombreuses collaborations avec des dramaturges, des poètes ou des écrivains contemporains tels Catherine Anne, Dominique Lambert ou Florence Lavaud, ainsi que le regretté Christian Bobin. Et créé des adaptations d’œuvres de Gustave Flaubert ou de Jean Giono. J’aime ainsi approcher les mots comme des jeux de symboles et des strates de sens et de lectures différents.

Plus particulièrement en liaison avec Micromégas maintenant, comment crée-t-on un opéra à partir d’un texte aussi original, entre conte voire farce philosophique, et littérature d’anticipation aussi. Comment s’articulent ou se séparent le narratif et le musical ?

- Le narratif et le musical sont inséparables ! Micromégas est un opéra rêvé et un rêve d’opéra ! Avec différents niveaux de lecture qui relient l’intrigue du conte, le fantastique, la philosophie, des dérives textuelles aussi, des liens possibles avec l’Histoire, et même avec notre époque ! Tout y est transposable aujourd’hui… C’est comme les fables d’Ésope ou de La Fontaine… Et puis, c’est encore mieux avec de la musique ! Le travail du livret d’Alexandre Castant ouvrant des libertés et des espaces sonores qui proposent un temps inédit… Dans les chants, la parole, la musique et la philosophie de Micromégas, il y a selon moi une forme de « liturgie laïque et universaliste »… Car, d’un point de vue politique, Voltaire est nécessaire ! Dans Micromégas, il n’a de cesse de dénoncer la bêtise des dogmes. Il remet “ l’Homme ”, et la taille de “ l’Homme ” à sa place (au sens propre et figuré, puisque Micromégas est un géant qui vient découvrir la planète Terre, ses vicissitudes et ses horreurs…). Voltaire dénonce l’anthropocentrisme, défend le relativisme des perceptions et la raison de la science. Puis, nous parlant de “ grain de sable ” à “ grain de sable ”, il nous interroge : ce monde a-t-il un sens ?

Vous avez également une œuvre pour orchestre, pour musique de chambre ou encore de musique chorale. Dans une telle pluralité d’écritures, quelle est la place qu’occupent vos opéras ?Plus généralement, en ce qui concerne le festival Next Opera Days, qui réfléchit sur les nouvelles formes opératiques, comment voyez-vous l’avenir et la forme de l’opéra du futur dans la musique d’aujourd’hui ?

- Je suis un homme qui aime l’opéra, et le rapport aux formes opératiques me semble, de plus en plus, ce vers quoi je me dirige, avec une appétence de plus en plus forte pour ce genre. J’ai ainsi, actuellement, deux ou trois idées d’opéras à venir… C’est aussi une foi dans le théâtre en musique et la musique au théâtre ! Je crois que l’opéra a un très bel avenir et peut produire, comme ce genre un peu oublié qui est le mélodrame d’ailleurs, des créations éminemment modernes. De plus, je vois mal un futur sans histoire chantée ! Prima la musica !