Bozar - Salle Henry Le Boeuf , Bruxelles

Ensemble Resonanz x Georges Aperghis

Une création musicale pour voix, bouleversante, sur les migrations et l’imaginaire du départ, basé sur le roman de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres ».

Tickets

Le compositeur Georges Aperghis, explorateur de la parole et de la voix dans le registre ouvert des croisements du « théâtre musical », a créé avec la comédienne Édith Scob, en 1976, l’Atelier de Théâtre et Musique – ATEM qui en a renouvelé le genre. Dans cette perspective, Georges Aperghis sonde l’idée d’altérité entre les arts, mais aussi dans le monde contemporain. Avec Migrants (2016-2017), une  pièce musicale pour deux voix de femmes et ensemble est conçue, à partir du roman de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres (1899), tout en demeurant indépendante de sa fiction. Si Migrants proposeune recherche sur le chant, la voix et la tessiture sonore d’un orchestre à cordes, piano et percussions, la condition migratoire, les traversées des terres et des mers comme l’imaginaire, souvent tragique, du départ en sont le bouleversant dessin.

Rediffusé sur Klara Live, le 14 décembre à 20h

"Ce projet est né d'une idée qui me préoccupait depuis un certain temps - une pièce sur les disparitions de notre époque, les personnes qui disparaissent en ce moment. (...) Je veux donner un visage non seulement aux corps noyés qui échouent sur les rivages de l'Europe, mais aussi aux dizaines de vivants qui errent en Europe sans identité, qui ne sont plus officiellement reconnaissables comme vivants." - Georges Aperghis 

Afbeelding
Stand with Ukraine - visual

Entretien avec Georges Aperghis

En quoi l’œuvre Migrants s’inscrit-elle dans le « théâtre musical » tel que, depuis 1976, vous en avez renouvelé le genre avec l’Atelier de Théâtre et Musique – ATEM ?
En fait, cela n’a rien à voir… C’est une pièce de concert pour deux voix de femme, un alto, deux pianos, trois percussions et un ensemble instrumental à cordes. Le pièce est structurée en cinq mouvements et le quatrième est particulier, il agit comme un commentaire des trois premiers et introduit au dernier. Il y a très peu de texte dans Migrants et il suggère seulement des images, d’un point de vue mental.

Comment et pourquoi avez-vous fait du roman de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres (1899), le point de départ de cette création ?
Le sujet des migrations est extrêmement contemporain et Joseph Conrad, dans Au cœur des ténèbres, en parle de façon très minimale et émotive. Toutefois, dans Migrants, il y a seulement quelques phrases du roman de Conrad qui en sont extraites. La pièce en est finalement assez éloignée.

La migration est évidemment celle douloureuse des populations, mais aussi celle qui existe entre les arts. Faites-vous un parallèle entre les deux ?
Non, pour cette pièce, je n’y ai vraiment pas pensé. J’ai seulement pensé à la disparition des populations entières qui essaient de se déplacer et qui n’arrivent pas à leur but.

Sur un tel sujet, sensible, fragile, la nature de l’ensemble, des musiciens et des interprètes, de l’instrumentarium fait-il particulièrement sens ?
La grande difficulté avec un tel sujet c’est de faire une sorte de « paquet cadeau » avec la misère du monde. Essayer de faire avec la souffrance des gens, c’est très difficile. J’ai lu beaucoup de témoignages, des textes d’éthique, je voulais trouver la juste distance pour en parler, et ainsi créer l’émotion par la distance. En ce sens, le texte de Conrad m’a aidé. Dans Migrants, le texte est parlé, les chanteuses chantent, mais les brefs extraits de Au coeur des ténèbres sont récités. Je n’avais pas envie que cette création soit sentimentale, portée par une émotion directe. Dans Migrants, c’est plus le domaine du constat et du tragique qui m’a intéressé.
Tous les jours, aujourd’hui, il y a des choses atroces qui se déroulent de par le monde. Aussi, dans une pièce comme Migrants, c’est d’abord l’aspect humain qui est le moteur de la création musicale. Ensuite, la pièce se construit évidemment à travers des systèmes de composition, des formules, des textes, des sons, des formes… En cela, ce n’est pas très différent des autres pièces que j’ai écrites mais, en l’occurence, il me fallait faire très attention entre la tragédie du sujet et la création musicale.