Planétarium , Bruxelles

On Mars

Un voyage dans le cosmos et l’infini au Planétarium avec de la musique de Brian Eno et Denis Bosse, et les images de François Schuiten.

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Le voyage dans l’espace et l’infini, le cosmos… Telle est la découverte, dans la salle du Planétarium, à laquelle nous convie, avec l’ensemble Sturm und Klang sous la direction de Thomas Van Haeperen, le vaisseau extraordinaire de la musique et de l’image réunies. Avec les arrangements de Stefan Hejdrowski, l’œuvre de Brian Eno Apollo : Atmospheres and Soundtracks sera proposée dans une version inédite. Publiée en 1983, initialement créée pour un documentaire filmique de Al Reinert sur le programme Apollo et constituée de nappes et de textures sonores inouïes, Apollo reste une composition majeure de l’ambient music dont Brian Eno, issu des arts plastiques puis du rock expérimental, est en partie l’inventeur. Au regard de cette œuvre, sera également présentée la création du Concerto pour violon et orchestre de Denis Bosse avec Annabelle Berthomé-Reynolds. Compositeur, scientifique de formation, Denis Bosse a notamment proposé, à travers le cycle de sept pièces intitulé Les Champs de l’inaudible (2005), une exploration sonore des modes de l’écoute. Autant de mondes sonores spatialisés qui, lors de cette soirée, seront accompagnés de la projection des merveilleux dessins issus de Travel Book : Mars de François Schuiten et de Sylvain Tesson (Vuitton, 2021), une invitation imaginaire à découvrir cette fois la planète Mars.

ENTRETIEN AVEC DENIS BOSSE

- Pourriez-vous nous présenter le concerto pour violon et orchestre que vous proposez lors de cette édition de Ars Musica ?
C’est un concerto en résonance avec le fond diffus cosmologique, les ondes gravitationnelles qui viennent du fond des âges cosmiques, et qui sont des oscillations dans la courbure de l’espace-temps produites par les phénomènes les plus violents du cosmos : l’explosion d’une étoile, la collision entre des étoiles à neutrons ultra-denses ou la fusion de trous noirs. Au départ, le signal rendu audible de ces ondes gravitationnelles m’a semblé un son que les cordes pourraient imiter pendant que la soliste-spationaute voyagerait dessus. Il se trouve que ces ondes gravitationnelles sont du même ordre que certaines ondes et certains sons produits par des animaux sur Terre et notamment les baleines, les oiseaux et les chauves-souris. Elles renvoient aussi aux sons de « scratching », technique inventée par les DJ, qui consiste à lire un disque vinyle par des mouvements de va-et-vient brefs et rythmés. Tous ces sons des ondes gravitationnelles aux DJ sont appelés « chirps », pour « gazouillis » en français. Ainsi en même temps que les « chirps » des ondes gravitationnelles, la soliste sonorise l’orchestre tout entier un peu comme la chauve-souris émet des « chirps » très larges pour détecter son environnement. Résonne alors un espace sonore en lien avec le cosmos, la Terre et les non-humains ! Mais la soliste chauve-souris n’est pas que non humaine, elle est aussi un DJ humain « scratchant » l’orchestre à cordes, les cuivres et le vibraphone par des sons granuleux, frottés et roulés. Cet espace bruiteux des activités humaines sur terre concurrence les autres sons du monde et la soliste pleure, désespérée de trouver l’humanité ainsi esseulée dans le cosmos. « Chirps, scratches and tears » est donc le titre du concerto, une rhapsodie spatiale faite de jeux intuitifs et libres entre des espaces, des mondes, des « multivers » de toute nature.


- Vous êtes scientifique de formation, et la science reste l’une des thématiques de cette édition de Ars Musica. En quoi la reliez-vous à la musique dans ce concerto pour violon et orchestre ?
La science est « science-fiction » et en particulier les sciences de l’Espace et du cosmos. Les hypothèses et les théories scientifiques sont des fictions préalables. L’hypothèse des ondes gravitationnelles s’est trouvée récemment expérimentée et à ce titre a cessé d’être une fiction, ces ondes sont ainsi passées de l’imaginaire au réel, un réel sonore. Mais, dans le concerto, pendant l’expérimentation scientifique, la fiction continue avec de multiples conséquences sonores. Premier lien donc entre la science et le concerto, une fiction commune de départ, mais à l’arrivée se trouvent deux explorations divergentes. Du côté de la science, les ondes gravitationnelles sont devenues fascinantes pour l’oreille parce qu’elles ne sont plus des hypothèses tandis que du côté du concerto, les ondes gravitationnelles, et cela d’autant plus également qu’elles existent vraiment, produisent grâce à l’imagination du compositeur des espaces et des mondes sonores à part entière qui n’auraient pas existé sans elles. L’auditeur est convoqué à venir les écouter mais il n’en fait pas partie, ce sont alors aussi des mondes sonores fascinants mais parce qu’ils pourraient exister sans l’écoute, sans être humain pour les entendre. Le concerto renvoie ici à la science et la rejoint dans la mesure où il accentue, met en évidence ce que la science nous dit : les ondes gravitationnelles existent sans nous et continueront d’exister après nous ! Une « inquiétante étrangeté » de pouvoir écouter des mondes dont nous risquons de ne plus faire partie dans le futur. 


- Y a-t-il une autre thématique ou un fil conducteur particulier à votre concert ?
Le cadre du planétarium offre la possibilité de spatialiser les musiciens. J’ai imaginé une disposition particulière qui influence la forme de l’œuvre et sa temporalité. Là aussi, c’est un amusement, des jeux avec l’espace, avec quelques procédés de spatialisations sonores et musicales qui ont été explorés dans l’histoire de la musique et plus particulièrement au XXe siècle.

- Ce concert sera également accompagné de dessins issus de Travel Book : Mars de François Schuiten et de Sylvain Tesson (Vuitton, 2021). Pourriez-vous nous parler de ce type de collaboration, entre musique et dessins, et a fortiori lorsqu’il traite de l’Univers ou d’une autre planète ?
L’expérience consistera en deux déroulements indépendants et simultanés des deux œuvres. Il a été décidé d’écrire de la musique « pure » qui ne « suive » pas des images et qui ne soit pas non plus « suivie » par elles. Ainsi pas d’illustration de l’un par l’autre. Cela évitera toute redondance ou pire toute non-redondance volontaire qui perturbent l’écoute en détournant le regard de l’auditeur du geste musical. Ce qui reliera les deux ce sera le fond, le thème commun de l’Espace, de l’exploration et à nouveau de la fiction comme point de départ.