Halles de Schaerbeek , Schaerbeek

David Krakauer & Kathleen Tagg

David Krakauer, virtuose de klezmer, a composé avec Kathleen Tagg un répertoire qui déborde les frontières et les genres.

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Breath & Hammer

Exégète et virtuose de la musique klezmer, tradition musicale des Juifs d’Europe centrale, le clarinettiste new-yorkais David Krakauer en a renouvelé le genre en l’irriguant de jazz, de rock, d’électronique ou de musique classique et contemporaine. En duo avec la pianiste sud-africaine Kathleen Tagg, ils ont composé un répertoire qui déborde les frontières et les genres stylistiques pour créer, depuis la source spirituelle du klezmer, de nouvelles approches musicales. Accompagnés d’une captation vidéo de l’artiste Jesse Gilbert qui, en temps réel et au plus près du corps des musiciens, filme leurs instruments comme un élan vital et organique (le titre Breath and Hammer, ou Souffle et Marteau, en constitue la métaphore physique !), David Krakauer et Kathleen Tagg proposent une fusion d’émotion musicale. La finesse et l’énergie s’y développent dans une performance hypnotique et fascinante.

 

ENTRETIEN AVEC DAVID KRAKAUER ET KATHLEEN TAGG

Toutes les réponses sont conjointement données par David Krakauer et Kathleen Tagg, exception faite de la troisème question à laquelle David Krakauer a répondu seul.

Pourriez-vous nous présenter le projet de « Breath and Hammer » que vous proposez lors de cette édition de Ars Musica ?
Breath & Hammer : The Ties That Bind Us
est une performance immersive. Ayant recours à des interludes sonores multi-canaux spacialisés, ainsi qu’à des visuels designés par Jesse Gilbert, nous avons essayé de créer une soirée « immersive » qui enveloppe le public dans un collection de sons et d’images. Le point de départ de ce programme était l’essence de notre projet Breath & Hammer, qui est composé de nos arrangements de pièces des compositeurs et artistes que nous admirons immodérement, et qui sont aussi nos amis et d’intimes collaborateurs. Ce programme comprend donc nos arrangements de pièces de créateurs aussi divers que le compositeur visisonnaire de New York John Zorn, le clarinettiste syrien Kinan Azmeh ou encore le percusionniste cubain Roberto Juan Rodríguez, ainsi que nos propres compositions orginales qui englobent des influences allant de schémas rythmiques entremêlés à la musique symphonique romantique, de la musique minimaliste au klezmer. Nous trouvons que ces diverses influences musicales, à première vue disparates, se combinent pour être transformées en quelque chose d’entièrement nouveau.

Y a-t-il une thématique ou un fil conducteur particuliers ?
Le fil conducteur est « the ties that bind us » (« les liens qui nous unissent ») en tant qu’êtres humains. Du point de vue technique, en conceptualisant ce projet pour une performance à la Salle Pierre Boulez de Berlin, en 2019, nous avons créé un nouvel ensemble de « pièces enregistrées » qui fonctionne comme des ponts entre les différentes compositions du programme. Les interludes, avec leurs sons spatialisés qui « voyagent » à travers la salle, symbolisent les influences qui viennent à nous depuis l’extérieur, depuis les traditions qui ne sont pas les nôtres, mais auxquelles nous avons eu la chance d’être exposés par le biais de la musique de nos amis. Certains motifs commencent avec des éléments de la composition précédente, qui peuvent être indiscernables dans ce nouveau contexte, puis ils introduisent les élements de la pièce suivante. Ils voyagent à travers une configuration d’enceintes multi-canaux qui fonctionnent ensemble, aussi bien comme une sorte de représentation acoustique des passages musicaux d’une pièce à l’autre, que comme le noyau des liens qui nous unissent, quelle que soit la distance qui nous sépare.

Pourquoi le mélange des genres musicaux (jazz, électronique ou musique contemporaine) est-il au cœur de l’approche de la musique klezmer que vous proposez ?
David Krakauer donne des précisions quant aux éléments klezmer de Breath & Hammer :
Historiquement, la musique klezmer, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’a pas évolué de manière linéaire comme une forme d’art traditionnel. Commençant aux environs du début de la deuxième guerre mondiale, avec la destruction de la culture juive d’Europe centrale par les Nazis, le développement de la musique klezmer a connu trois interruptions majeures : 1) L’Holocauste. 2) La répression de toutes les religions et minorités ethniques durant le stalinisme et le communisme d’après-guerre en URSS. 3) L’assimilation de la culture juive d’Europe centrale à la population des États-Unis et de bien d’autres pays. Après la Seconde guerre mondiale, la musique klezmer resta dans un demi-sommeil, existant uniquement dans de petites communautés ethniques. À la fin des années 70, puis à nouveau à la fin des années 80, la musique klezmer a vécu deux renaissances majeures qui ont changé le cours de ce genre musical. Elle a évolué d’une simple musique purement fonctionnelle, jouée uniquement lors des célébrations de la communauté juive, vers une musique de concert aux multipes facettes, jouée et reconnue internationalement (en particulier, durant et après le second renouveau des années 80). De ce fait, quand j’ai commencé à jouer de la musique klezmer à la fin des années 80 et au début des années 90, j’ai été en mesure de trouver un foyer musical, pour moi-même, qui intègre toutes mes facettes artistiques. En gardant un pied dans le passé, et un autre dans le futur, ma musique superpose la musique klezmer traditionnelle (que j’ai apprise à partir des premières sources d’enregsitrements) avec les influences modernes du xxe et du xxIe siècles incluant le jazz, le funk, la musique classique moderne et électronique. Cela représente l’ensemble de mes activités de chef d’orchestre, de compositeur et de soliste au sein d’orchestres symphoniques.

Votre formation, pour Ars Musica, est un duo piano/clarinette. Cela ouvre-t-il des particularités musicales, dans l’improvisation comme dans l’écriture de la musique ?
Notre palette sonore, très personnelle, a grandi au fil de notre longue collaboration. Nous y avons apporté, et mélangé, tout ce que nous sommes, et tout ce sur quoi nous avons travaillé durant de nombreuses années. Cela comprend tout d’abord les très solides connaissances, que chacun de nous possède, en tant que musicien de concert classique, ainsi que les années d’expérience de David en tant qu’innovateur de la musique klezmer, compositeur, chef d’orchestre et expérimentateur d’avant-garde, et enfin la carrière aux multiples facettes de Kathleen qui crée, performe et compose dans de nombreux genres musicaux. Dans ce cadre, la musique de ce programme peut être vue comme « globale », mais, en même temps, elle nous est complètement personnelle, sachant que chaque compositeur est un de nos amis proches ou intimes collaborateurs. Nous sommes partis des morceaux eux-mêmes comme points de départ, et nos arrangements et traitements de chacun d’entre eux se trouvent être radicalement différents de l’original. Dans la « recréation » de chaque composition, nous avons trouvé une voie pour transformer le matériau musical, de départ, en une façon qui reflète notre propre univers sonore, sans copier littéralement les dispositifs d’un genre particulier. Nous sommes très reconnaissants aux compositeurs, qui nous ont fait confiance avec leurs créations, et qui nous ont donné leur bénédiction pour le faire.

Pourriez-vous s’il vous plaît présenter la contribution de l’artiste-vidéo Jesse Gilbert à votre projet ? Pourriez-vous également décrire le processus créatif d’une telle collaboration ?
Puisqu’une part essentielle du jeu pianistique est faite à l’intérieur même de l’instrument, et que la clarinette use de techniques peu conventionnelles, l’idée d’intégrer des projections vidéos a été pensée, pour aider le public à avoir une meilleure compréhension de la création de notre monde sonore, en lui montrant en temps réel comment les sons sont précisément créés. Cela a conduit à notre rencontre avec Jesse Gilbert, lorsque nous lui avons demandé de conceptualiser un système de vidéos transportables, pour nos concerts nécessitant trois caméras interactives.